France-Télécom : tous ne mourront pas, mais tous seront touchés

Publié le par syndicat cgt habitat toulouse


Nous publions ci-dessous un article paru sur le site internet de Marianne le 15 septembre et concernant les méthodes de "management" (comme ils disent) à France-Télécom.

Il s'agit d'un document interne de France-Télécom, intitulé trés cyniquement "Réussir Act", assez édifiant et qui permet de comprendre pourquoi et comment nous en sommes arrivés à une telle souffrance au travail conduisant à la dépression et jusqu'au suicide.


L'éclairage a été mis ces dernières semaines sur cette entreprise. Mais les "méthodes" qui sont décrites ici concernent beaucoup d'autres entreprises. Elles sont édictées, pensées et réfléchies par des cabinets de conseils patronaux auquel ont recours la plupart des DRH.

 

Pour eux, les salariés ne sont qu'une variable d'ajustement économique, une marchandise.

On le savait déjà.


Là, patrons et DRH le disent et cyniquement.

 

 

France Télécom: tous ne mourront pas mais tous seront touchés

Bénédicte Charles

Marianne

Mardi 15 Septembre 2009


Un document interne de France Télécom permet d'en savoir plus sur les méthodes de management enseignées aux cadres maison. Et laisse peu d'espoir quant à la gestion des ressources humaines dans une entreprise qui n'a plus rien d'humain.

France Télécom: tous ne mourront pas mais tous seront touchés

 

« Réussir act » : publié le 15 septembre sur Bakchich.info, ce document interne d’Orange daté de 2007 et destiné à la formation des "managers" permet de comprendre un peu mieux les méthodes de gestion du personnel en vogue chez France Télécom, alors que l’entreprise a connu hier une nouvelle tentative de suicide d’un de ses salariés, retrouvé inanimé sur son lieu de travail à Metz après avoir absorbé une dose massive de calmants.

Rédigé dans l’insupportable jargon des cabinets de conseil en ressources humaines, le «Réussir act» explique (ou du moins tente de le faire) aux cadres maison comment «mettre en mouvement » les salariés. C’est-à-dire, en français normal, comment leur faire accepter une mobilité forcée, qu’elle soit interne (vers une autre service, dans une autre ville) ou externe (vers l’Anpe). Le document détaille ainsi les différentes réactions du salarié à qui on annonce que son poste étant supprimé, il va devoir faire autre chose et ailleurs. Cela s’appelle « exemple de posture de résistance ». Il y en a trois : « Pourquoi moi ? » « On ne va pas décider pour moi » « Je n’y arriverai jamais ». On le voit, pour France Télécom, le salarié est un être somme toute assez peu complexe. Il a des réactions basiques, et de besoins simples comme ceux d’un enfant : « Sécurité », « reconnaissance », nous dit le « Réussir act ».

Mais il y a pire que cette infantilisation. Bakchich, pointe ainsi le chapitre consacré au « processus de deuil » (sic) que vit le salarié qui doit renoncer définitivement à son poste. Très librement inspiré des célèbres travaux de la psychiatre américaine Elisabeth Kübler-Ross sur les cinq étapes du deuil (choc-colère-marchandage-dépression-acceptation), il définit six étapes : l’« annonce » (du changement de poste ou de ville), le « refus de comprendre » (« incompréhension, négation, rejet total»),  la « résistance » (« inertie, argumentation, révolte, sabotage » — on notera que dans les l’esprit des managers de France Télécom, le simple fait qu’un salarié « argumente » est comparable à un sabotage), la « décompression » (« tristesse, absence de ressort, désespoir, dépression »), la « résignation » (« absence d’enthousiasme et de convictions, attitude dubitative, nostalgie du passé ») et enfin l’ « intégration » (« changement accepté, pas de nostalgie, changement plus considéré comme tel, action de soutien »).

On passera sur le mauvais goût d’un tel pensum, rédigé alors que l’entreprise connaissait déjà une vague de suicides (13 entre janvier 2007 et juillet 2008) pour se concentrer sur le chapitre suivant, «accompagner le processus de deuil», qui conseille les managers  sur l’attitude à adopter à l’égard des personnels concernés. Que dire à un salarié en phase de « décompression » (« Désespoir, dépression ») ? Réponse du « Réussir act » : « C’est l’évolution des besoins qui est à la source du changement ».

Cela se passe de commentaires et laisse peu d’espoir sur l’avenir des salariés de France Télécom.

Tous ne mourront pas. Bien sûr. Mais tous seront touchés. C’est certain.

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